Design, publicité, production, amélioration des services... le marketing participatif élargit son champ d'action. Le but pour les entreprises : faire travailler les consommateurs, plus seulement sur des blogs ou des forums de discussion où ils donnent leur avis, mais sur des plates-formes ad hoc, sur Internet, où ils peuvent même co-concevoir des produits. Internet participatif toujours...
Ces nouveaux réseaux sociaux créés par les marques visent-ils à renforcer le pouvoir du consommateur (« power of us ») en lui donnant la parole, ou à en faire un ambassadeur de la marque ?
Le précédent Digg
Créé comme une expérience en novembre 2004 par Kevin Rose, Owen Byrne, Ron Gorodetzky et Jay Adelson,
Digg (de l'anglais to
digg, gratter, creuser) est devenu l'un des sites les plus copiés et visités, incarnant à merveille le Web 2.0.
Le site a pourtant bien failli fermer en mai 2007 : un article plébiscité, affiché sur la page d'accueil, contenait la clé de décryptage pour la protection DRM AACS des supports HD DVD et disque Blu-ray. Suivant l'avis de ses avocats, Digg a retiré les votes portant sur cet article Ce que beaucoup de membres de la communauté de Digg ont perçu comme une censure. Par réaction, ils ont posté la clé de décryptage dans de nombreux commentaires. Ce qui a amené le fondateur de Digg à déclarer sur le site « désormais, nous ne supprimerons ni les articles ni les commentaires contenant la clé et nous en assumerons les conséquences ».
Principe et utilisation
Le but est d'effectuer un feedback, soit une rétroaction, donc de mesurer l'action en retour d'un effet sur le dispositif qui lui a donné naissance, et sur elle-même.
Le principe est simple : les internautes y publient des liens vers des articles ou des sites qu'ils veulent mettre en avant, accompagnés ou non de commentaires. Bref, vous repérez une information intéressante sur les sciences, le sport ou l'économie en surfant sur un site, vous pensez qu'elle peut intéresser d'autres internautes : Digg vous permet de la partager en temps réel. Ce sont donc les internautes qui font tout le boulot, pour aboutir à un site où les utilisateurs sélectionnent des informations qu'ils jugent les meilleures parmi toutes les sources possibles.
Les visiteurs de Digg peuvent ensuite voter pour ou contre les références présentées. Grâce à ce système de plébiscite, les documents remportant le plus de suffrages sont propulsés vers le haut de la page d'accueil, tandis que les autres disparaissent assez vite. De façon logique, les pages recommandées qui arrivent en tête des plébiscites reçoivent donc beaucoup de visites.
Les articles sont résumés et permettent d'être commentés directement depuis Digg. Vous pouvez librement accéder au site et à ses contenus. Mais pour proposer un article, voter et commenter en ligne, vous devez vous inscrire et vous créer un login, en remplissant un formulaire avec votre pseudo, votre mot de passe, votre adresse e-mail et votre adresse postale.
Par ce système de social bookmarking, le moteur de recherche n'est donc plus le seul critère pour sélectionner une information : « vous faites confiance aux internautes en lieu et place des robots des moteurs de recherche », estime Jean-François Gervais1
Digg repose sur un programme open source,
Pligg.com. Grâce à son caractère ouvert, tout internaute ou entreprise peut très rapidement créer un site clone de Digg (un Digg-like, donc).
Les widgets sur Digg Labs
Pour apprécier son activité fervente, vous pouvez vous rendre dans son laboratoire, le
Digg Labs, qui propose divers conseils et applications.
Ainsi, l'application
Digg Stack vous permet de voir en temps réel les contributions des internautes. Sa particularité : elle se présente comme un jeu vidéo à la Tétris, où des rectangles blancs tombent du haut de l'écran. Une fois tombés, ils se transforment en briques de couleurs différentes, qui s'alignent à l'horizontale. Leur hauteur indique le nombre de publications pour une même information. Un curseur au centre de l'écran vous permet de zoomer sur les mots.
Quant à
Digg Swarm (l'essaim), c'est une sorte de cartographie des contributions, qui se présente, comme son nom l'indique, comme une ruche qui grouille d'abeilles. Un clic sur les points jaunes (qui représentent les contributions) vous permet de lire les titres, rassemblés selon des critères sémantiques.
Les plates-formes Digg-like
Forcément, beaucoup ont repris le principe de Digg, où les internautes proposent leur sélection de sites, qui bénéficiera éventuellement du vote des autres internautes.
En février 2008,
Yahoo ! a ainsi ouvert
Yahoo ! Buzz, qui publie des histoires pour lesquelles les utilisateurs peuvent voter et qu'ils peuvent porter en haut de page. Plusieurs fois par semaine les histoires les plus populaires sont affichées en page d'accueil de Yahoo ! (
http://buzz.yahoo.com/).
On compte d'ailleurs près de 400 sites construits sur le modèle de Digg, régulièrement répertoriés, sur
http://3spots.blogspot.com/2006/04/all-digg-style-applications-list.html
Les entreprises ouvrent leurs plates-formes de dialogue Digg-like
Ce sont surtout les entreprises qui ont repris ce principe de plates-formes contributives avec un système de vote. Un excellent moyen de savoir quels services et produits sont les plus critiqués par leurs clients, leur donner la parole... et les faire travailler, en les incitant à proposer des innovations à apporter, avec leur expertise de consommateurs.
L'impératif est toujours le même : pour envoyer ses suggestions et espérer les voir plébiscitées, l'internaute doit se créer un compte, en entrant ses nom, prénom et adresse e-mail.
Ce qui permet aux entreprises de fédérer une communauté de clients et de collecter les opinions d'une très large communauté d'entrepreneurs et de développeurs dans le secteur informatique.
Ainsi, sur son
Suggestion board (« tableau de suggestions »), ouvert en février 2007, Yahoo ! permet à ses utilisateurs d'envoyer leurs critiques et suggestions pour améliorer ses services tels que son portail MyYahoo !.
Au même moment, le constructeur informatique
Dell a lancé Dell IdeaStorm, qu'il définit lui-même comme « un mélange entre un forum et Digg.com ». Sur cette plate-forme de dialogue, qui se veut aussi un site boîte à idées, les utilisateurs peuvent soumettre des demandes sur des produits, des fonctionnalités, les conditions générales de vente, ou tout autre sujet qu'ils veulent partager avec la communauté Dell.
Quant à StudioDell, ouvert en même temps, c'est un site de partage de vidéos centré sur Dell qui contient aussi bien les vidéos de l'entreprise que les participations des utilisateurs. Les commentaires sont autorisés sur IdeaStorm mais pas sur StudioDell.
En octobre 2007, c'est
Intel qui s'y est mis, en lançant
CoolSW (Cool SoftWare).
Dans un autre genre, dans une logique plus marketing,
Starbucks a lancé en mars 2008
My Starbucks Idea. Certaines idées, les plus intéressantes pour l'équipe de recherche, obtiennent la mention « under review » (à l'étude). Là encore, pour poster ses suggestions, l'internaute doit préalablement s'inscrire et se créer un profil. Le second site
Ideas in action permet à l'internaute de suivre la mise en oeuvre des suggestions.
L'initiative tardive de Starbucks suscite le doute (stratégie de reconquête tardive de ses clients), mais elle s'essaie ainsi à la suggestion collaborative.
Feedback
Le logiciel Feedback, sur le modèle de Digg, est un outil de dialogue entre les entreprises et leurs clients, et reprend le même système de vote. Proposé en marque blanche aux entreprises, il a été lancé début 2007 par la start-up française
Feedback 2.0, créée en juillet 2006 par deux anciens de la SSII Silicomp, Stéphane Lee, à l'origine notamment du site Influenceurs.net, et Eric Dos Santos.
Le principe de fonctionnement est toujours le même : pour envoyer sa question ou sa remarque, l'internaute doit s'inscrire en se créant un login. L'outil de dialogue Feedback est sécurisé, et la page met en avant les contributions plébiscitées par les internautes, celles qui ont obtenu le plus de commmentaires, et les contributeurs les plus actifs.
Feedback propose aussi des outils de modération et de gestion des données. Le client peut choisir ses paramètres : accès public ou privé à la plate-forme, dialogue modéré à priori ou à posteriori, système de reporting sur les commentaires, et durée de l'opération (souvent liée à un événement). La société se charge de développer l'interface de l'espace de dialogue, de le mettre en ligne, et de fournir des statistiques sur l'utilisation.
L'exemple de Débats-Sncf.com
La plate-forme de dialogue
Debats-Sncf.com est un des premiers exemples de plate-forme Digg-like grand public ouverte en France par une grande entreprise. Ouverte le 6 décembre 2007, les internautes usagers peuvent y poser des questions à l'un des vingt interlocuteurs qui s'expriment pour la
SNCF. Ils sont présentés avec leur fonction et leur domaine d'expertise.
Chaque jour, la question plébiscitée par les votes est donc prise en compte par le collaborateur SNCF concerné. Le site affiche les dernières questions, avec leurs scores, ainsi que l'activité autour des questions, selon le nombre de votes et de commentaires suscités.
Des plates-formes de dialogue en accès public ou privé
D'autres entreprises ont testé la plate-forme de dialogue avec les internautes, comme la
RATP, qui a ouvert cinq mois, en 2007,
Vousetlaratp.fr.
D'autres ont ouvert des plates-formes de dialogue interne, pour dialoguer avec leurs salariés, comme l'ANPE.
Ou pour dialoguer sur une plate-forme en accès privé, avec des clients privilégiés. Ce fut le cas pour
Renault, qui l'a utilisé deux mois fin 2007 pour dialoguer avec 5 000 bons clients. Et pour Petzl, spécialisée dans la fabrication de lampes frontales, qui a ouvert une plate-forme Feedback d'octobre 2007 à mars 2008, pour dialoguer avec une centaine de clients, répartis dans plusieurs pays, ayant testé en avant-première leur nouveau modèle de lampe frontale.
À partir de 2 000 euros par mois
Les solutions de Feedback 2.0 sont modulables, elles sont pour l'instant proposées en ligne (en mode Software as a Service). La facturation, mensuelle, est basée sur le nombre d'utilisateurs, les fonctions choisies, l'usage ou non de vidéo, et la durée de location. Cela coûtera ainsi 2 000 à 5 000 euros par mois.
Mais elle propose aussi une solution « allégée » pour les start-up, qui devront alors installer et gérer elles-mêmes leur plate-forme.
Le texte original de cette fiche pratique est extrait de «
Tout sur le web 2.0» (Capucine Cousin, Collection CommentCaMarche.net, Dunod, 2008)
Publié par
ChristophePineau -
Dernière mise à jour le 11 avril 2011 à 11:15 par Jeff